Il suffit de se promener un peu dans la cité-jardin de Furttal pour se rendre compte que les espaces extérieurs bien différenciés sont aussi importants que les appartements. Mais quelles sont les idées qui ont donné naissance à cette diversité d’habitat modulaire et amoncelée? Pour en savoir plus, j’ai rendu visite à l’architecte Claude Schelling.
Images: Claude Schelling + Partner Architekten AG
Des bribes de conversation me parviennent de derrière les buissons qui bordent la ruelle. Une ruelle qui serpente d’esplanades en escaliers et autres rampes entre des maisons très diversifiées qui s’étagent le long de la pente. Des portes d’entrée colorées dans des cadres en béton donnant sur des jardinets me donnent l’impression que tout le monde dispose d’une entrée de maison bien à soi. Dans la cité-jardin de Furttal, en bordure de Zurich-Affoltern, on se sent comme dans un monde à part.
Je sonne à la porte de Claude Schelling à Zurich-Wipkingen en début d’après-midi, un jour de mai. C’est l’architecte qui a conçu la cité-jardin. Il habite lui-même derrière une de ces portes menant à un petit jardin. C’est déjà la porte d’entrée de son appartement, dit-il, et le jardinet en est la première pièce. Dans les années 60, il a vécu deux ans à Kyoto en tant qu’étudiant. Une période qui a fortement influencé sa perception de l’espace, raconte-t-il. Un lieu d’habitat singulier et son intégration dans l’environnement jouent pour lui un rôle capital. Il a également ramené de son séjour en Extrême-Orient une bonne dose d’esprit critique par rapport à la notion de progrès. Mais cela n’a rien changé à sa fascination pour la question de la préfabrication dans la construction, brûlante d’actualité à l’époque. Bien au contraire, puisque Schelling a trouvé un moyen de lier les deux extrêmes dans ses projets: la modularité sérielle de la construction en système et la complexité spatiale de l’habitat individualisé.
C’est en suivant ce principe qu’il a remporté en 1972 le concours d’urbanisme pour le lotissement du Furttal. Il a répondu à la mixité d’habitat demandée par la Ville de Zurich en imaginant sept bâtiments orientés en suivant la pente du terrain. Ils s’organisent en deux groupes autour de deux espaces intermédiaires en terrassements, où se trouvent les voies d’accès. Une prairie délicieusement ondulée et pourvue de blocs de pierre erratiques les relie. Schelling les appelle les «collines résidentielles», à cause des jardinets privés à l’abri des regards extérieurs qui donnent sur les pieds des maisons et des terrasses intégrées aux toitures en escaliers, qui donnent leur caractère au lotissement.
Il a combiné des appartements en jouant avec trois à huit modules de base de 3.80 x 3.80 chacun. Dans les immeubles, des petits appartement alternent avec des grands, des maisonnettes flirtent avec des logements sur un étage, des appartements pour étudiants côtoient des ateliers et des logements familiaux. Dans cette intrication modulaire, peu d’appartements parmi les 181 du site se ressemblent et si l’on jette un oeil aux plans, on y découvre le plaisir créatif de la riche combinatoire qu’offre le principe additif et modulaire de la construction en système.
Schémas: Claude Schelling + Partner Architekten AG
L’intention de Claude Schelling s’est exprimée à travers la grande variabilité de conception plus que dans la flexibilité du bâti habité. Il a littéralement planifié la diversité et donc la plasticité des espaces individuels. Pour asseoir son langage architectural, il a constitué un catalogue d’éléments préfabriqués en béton, dont la combinaison varie au fil du site tout en produisant une identité globale bien déterminée. Les portails d’entrée, les pergolas et les bacs de plantes sont autant de garde-fous qui s’ajoutent aux éléments de façade. Le module de base des espaces intérieurs fonctionne également pour les jardins privés et les terrasses. Schelling parle d’«éléments expressifs» pour désigner ces éléments constructifs qui dépassent leur simple fonction spatiale pour exprimer l’identité propre d’un lieu spécifique.
Une fois que le lotissement a été achevé en 1980, Claude Schelling a continué jusqu’en 1994 à développer son architecture holistique dans d’autres projets d’habitation, notamment avec la cité-jardin Grindel à Volketswil et un peu plus tard avec le quartier d’habitation de l’Esplanade à la Chaux-de-Fonds. Schelling aurait bien aimé construire jusqu’au bout la deuxième étape prévue pour le lotissement à Affoltern. Il n’en reste pas moins aujourd’hui que le côté inachevé du projet lui confère une qualité toute particulière. Un peu comme une ville, qui n’est jamais achevée et se métamorphose sans cesse, laissant le champ libre à un développement impliquant une multitude d’acteurs et une grande diversité évolutive, s’opposant ainsi à un processus de planification fermé et intégral. Les qualités urbanistiques qui sont au coeur du lotissement de Furttal ont ainsi acquis aujourd’hui un caractère d’exemplarité qui dépasse de loin la seule agglomération.
Plans: Claude Schelling + Partner Architekten AG
Plan: Claude Schelling + Partner Architekten AG
Images: Lucia Gratz
Informations relatives à la cité-jardin de Furttal
Architecture: Claude Schelling + Partner Architekten AG
Construction: Concours 1973, Réalisation 1978 – 1980
Maître d’ouvrage: Service immobilier de la Ville de Zurich
Lieu: Hungerbergstrasse, 8046 Zürich Affoltern
Utilisation: A l’origine, il était prévu de construire 325 appartements pour des logements sociaux, un bâtiment scolaire pour 12 classes d’école primaire et une salle de gym double, un jardin d’enfants et des appartements pour étudiants. Seule la partie sur la propriété de la Ville de Zurich (18’800 m2, AZ = 1,05) avec 185 appartements a été réalisée.
Visites: Les visites sont possibles dans la zone publique de la cité-jardin
Autres liens: www.c-schelling.ch
Écrivez un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs à disposition sont marqués par un *.