L’alliance des constructeurs bois

Le deuxième Hôtel Revier de Suisse a ouvert ses portes à Adelboden mi-juin dernier. Trois constructeurs bois se sont associés pour la construction modulaire et ont ainsi tenu tête à la concurrence internationale.

Images extérieures: Revier Hotels

Images intérieures: Markus Lamprecht

Une note sur Youtube avait titillé la curiosité de Aaron Zurbrügg à Adelboden: l’hôtel qui allait être construit dans son village serait composé de modules en bois, comme le «Revier» de la Lenzerheide – mais ces modules seraient préfabriqués en Autriche! «Je me serais énervé à chaque passage des 84 modules devant mon entreprise», s’exclame rétrospectivement le directeur de l’entreprise de construction bois Künzi + Knutti SA. Il a donc rameuté les constructeurs bois de la région et les a persuadés de répondre ensemble à l’appel d’offres international. Leur argument massue: nous sommes sur place et nous disposons du savoir-faire! Sous le nom de «Arge Holzbau», ils ont convaincu l’entreprise totale Baulink de Davos, qui a assumé la garantie du projet.

Le prérequis de la construction modulaire

La construction modulaire avec des panneaux de madrier était un prérequis pour une construction durable et bon marché. Pour relever le défi, les trois constructeurs bois du cru se sont associés: Künzi + Knutti SA, Pieren + Co. SA et Holzbau Burn SA. La production des 76 chambres d’hôtel sous forme de modules préfabriqués et équipés ne posait aucun problème selon Zurbrügg, «c’est la logistique qui nous a poussé jusque dans nos derniers retranchements!» Les 76 chambres des quatre étages supérieurs de l’hôtel sont composés de 84 modules. Chaque module – dont le plus petit mesure 2,61 × 7,37 sur 2,65 mètres de hauteur – ont été préfabriqués sur deux sites de production. Le stockage des cubes achevés s’est fait sur les parkings des divers chemins de fer de montagne. Il ne fallait pas moins de 2600 mètres carrés de surface pour tout stocker. Des tentes de foires protégeaient les chambres préfabriquées des intempéries.

Va-et-vient dans les halles de production

Les halles de production ont connu une activité frénétique durant quatre mois. Jusqu’à une douzaine d’artisans de construction bois étaient à l’oeuvre simultanément sur les modules, finitions des fenêtres et travaux de menuiserie inclus. A quoi s’ajoutaient encore les collègues de la technique du bâtiment: électriciens, installateurs sanitaires, chauffage et ventilation. Sans oublier le va-et-vient des poseurs des revêtements de sol et des peintres, qui entraient et sortaient des halles de construction bois. C’est ainsi que sont nées les chambres d’hôtel prêtes à l’emploi, avec meubles, toilettes, lavabo, porte-serviettes, tapis et ferrures. Il ne manquait plus que le duvet et le sèche-cheveux. «Nous connaissons la construction modulaire par le biais de la construction de cuisines, et de ce point de vue, les chambres sont de grands ‹Chuchichäschtli›», raconte Aaron Zurbrügg, qui assumait pour l’occasion le rôle de chef de projet du groupe. Il a aménagé huit stations de travail dans son usine, qui lui ont permis de préfabriquer un module et demi par jour. Une véritable chaîne de montage s’est mise en place, qui tournait à l’heure près pour ce qui était de la livraison des panneaux de madriers et de la rotation des artisans sur les différentes stations de travail. Le séquençage des chambres ne s’est pas fait au hasard, afin de garantir l’accès structuré des quatre types différents de modules sur les sites de stockage. Ils ont été entreposés directement sur des plateaux de transport, qui ont dû être réservés au préalable – ce qui a du coup donné du travail à une autre entreprise de la région: un transporteur local, qui a carrément dû acheter une nouvelle remorque pour pouvoir transporter les modules avec son tracteur sur le lieu de construction.

Trois entreprises se sont partagé le travail

Les douze grands modules ont été préfabriqués par la charpenterie Pieren + Co. SA, à peine à quelques centaine de mètres de la sortie de la vallée. Le troisième partenaire du groupe , Holzbau Burn SA, s’est occupé des façades et de la toiture. La maison familiale d’à côté a été construite dans la foulée. Les trois entreprises se félicitent de la bonne coordination du projet. L’interface entre les deux programmes de dessin CAD-Work et Sema a parfaitement fonctionné et les préparateurs de travail des charpenteries ont pu dessiner en 3D indépendamment les uns des autres. Künzi + Knutti a investi 950 heures de travail dans la planification d’ouvrage et les travaux préparatoires pour les modules des chambres. «La construction d’un prototype de module a valu son pesant d’or», résume Aaron Zurbrügg. C’était une exigence de l’entreprise totale qu’il recommanderait à tout le monde. Les sanitaires se sont révélés comme une pièce maitresse. C’est dans un espace restreint que tous les corps de métier se rejoignent et que l’on voit si tout est correct et étanche. «Après le 15^ème module, nous avions tout sous contrôle et les procédures étaient bien rodées », se souvient Zurbrügg.

La grue de chantier a permis de déplacer jusqu’à douze modules par jour. Après les quatre étages en sous-sol, on a construit la cage d’escaliers et le puits d’ascenseur en béton avant de disposer autour les chambres qui pesaient parfois jusqu’à onze tonnes. Elles ne sont reliées que par les façades, où, au niveau de l’allège, 22 centimètres de laine de roche, une plaque de plâtre en fibres, une ventilation extérieure, un lattage croisé et le coffrage visible en mélèze brut de sciage habillent la façade. Les parois des chambres en plaques de madrier de dix centimètres d’épaisseur sont séparées entre elles par un caisson d’isolation (15 mm de plâtre, 40 mm de laine minérale, 15 mm de plâtre), la partie inférieure des modules repose sur un cadre de bois avec roulement coulissant isolé avec dix centimètres de laine de roche. L’isolation phonique est supérieure au minimum exigé. Les conduites des installations techniques ont été raccordées sur place, avec une gaine par chambre, accessible depuis le corridor. L’étanchéité des conduites avait été testée au préalable en usine, cela faisait aussi partie du cahier des charges.

Au final, Aaron Zurbrügg trouve que «l’on se fait beaucoup trop de soucis en ce qui concerne tout ce qui pourrait foirer. 80 pourcent des problèmes n’arrivent même pas. Et quand un problème surgit, il faut tenir le coup jusqu’à ce que l’on trouve une solution.» C’est sans doute cet état d’esprit qui fait le succès d’une entreprise.

Cet article a été rédigé par Sue Lüthi pour le magazine associatif «Wir Holzbauer»; nous en publions une version abrégée.

Plan type des étages.

Plans: Fortimo

Façade/coupe.

Trois entreprises de construction en bois locales réalisent ensemble les travaux de construction modulaire pour l’hôtel Revier Adelboden : (de gauche à droite) Gilgian Schranz de la société Pieren + Co SA, Hansruedi Huggler de la société Holzbau Burn SA et Aaron Zurbrügg de la société Künzi + Knutti SA.

Nous connaissons la construction modulaire par le biais de la construction de cuisines, et de ce point de vue, les chambres sont de grands Chuchichäschtli

Aaron Zurbrügg, Künzi + Knutti, Adelboden